Agir dès aujourd’hui, pour des technosciences au service de l’humain et de la biosphère

2018sam07avr0h00Agir dès aujourd’hui, pour des technosciences au service de l’humain et de la biosphèreAppel

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L’humanité a atteint un niveau de développement technologique porteur de beaucoup d’espoirs, mais qui génère également de grandes inquiétudes. Cela concerne tout particulièrement l’ingénierie génétique, les prolongements de l’humain, les robots et systèmes autonomes, les algorithmes, les modèles numériques du vivant. L’accélération des dynamiques techniques réduit nos capacités d’adaptation et de contrôle des développements technologiques. Le temps des échanges entre disciplines, mais aussi entre sciences et sociétés, reste limité et laisse place à une avancée à l’aveugle. Les technosciences marquent une nouvelle période géologique – l’anthropocène – et un nouveau rapport entre l’humain et son environnement biophysique. Mais leur développement s’effectue sans prendre en compte les effets à moyen et long terme d’intégration des technologies ainsi que les nouvelles vulnérabilités et l’accroissement des inégalités qui en résultent. Leur développement ne fournit pas non plus les principes et modalités qui garantiraient l’encadrement adéquat de leurs formidables capacités de transformation du monde. Après une époque de grands progrès, les risques de disparaître en raison même de ce progrès deviennent tangibles.

Il n’est pas question d’appeler à un quelconque moratoire impossible sur le développement des technosciences. Pas plus qu’il ne peut être question de continuer aveuglément dans une course accélérée face à tant de risques. Acteur aux pouvoirs désormais conséquents, et conscient de ses actes, l’humain ne peut nier sa responsabilité du devenir commun, responsabilité qui s’étend à l’ensemble de la biosphère, et aux générations futures. Nous, signataires de cet Appel, appelons à donner à l’humain le temps et les moyens de délibérer, d’apprécier ses objectifs et d’évaluer ses créations. Nous dénonçons ici le mythe que toute innovation technologique serait un progrès forcément désirable, non critiquable et sans alternative. À toute innovation doit être associée l’indispensable évaluation de ses effets sociaux et environnementaux. Par cet Appel, nous affirmons le besoin urgent d’une large participation citoyenne concernant les développements des technosciences. Celle-ci doit s’appuyer sur un partage de savoirs, de valeurs et de techniques, dans la transparence des choix et des pratiques.

Nous déclarons ici notre engagement à agir. Nos actions seront guidées par des principes nous permettant de l’assumer pleinement. Ces principes sont :
• La relation asymétrique de responsabilité de l’humain envers le vivant et les générations futures. Cette responsabilité ne traduit pas un sentiment d’altruisme généreux mais une conscience aiguë du lien qui nous unit durablement aux vivants – humains, animaux et végétaux – avec lesquels nous partageons la biosphère.
• L’intérêt collectif n’est pas la simple maximisation d’intérêts individuels, laquelle peut engendrer de graves risques dans le développement et l’usage des technosciences. Seules plus de démocratie et de régulation, internationales et locales, dans le respect de la diversité et des fondamentaux sociaux et culturels, peuvent permettre à chacun de vivre solidairement dans les sociétés humaines et d’agir de façon responsable pour l’avenir commun.
• Le caractère éminemment collectif de notre responsabilité. L’humain a toute capacité d’utiliser la raison pour mieux comprendre sa position et son rôle dans le monde du vivant, mieux discerner ses objectifs réellement désirables et agir en conséquence, plutôt que d’user aveuglément de son savoir et de sa puissance pour se détruire.

Nous appelons chacun à adhérer par son comportement et ses actions, des plus simples aux plus engageantes, aux valeurs éthiques de responsabilité et de solidarité. Les valeurs individuelles de liberté, sécurité, et respect de la vie privée, ont été une source de progrès importants, mais nous estimons qu’en aucun cas elles ne doivent primer sur les valeurs collectives qui privilégient le futur de la biosphère, l’intérêt général et le long terme. Tout développement qui ne serait pas soutenable sur la durée, au bénéfice de tous, notamment les plus fragiles, reviendrait à admettre la supériorité ponctuelle de quelques-uns et serait contraire à nos valeurs et principes humanistes. Il ne s’agit plus simplement de multiplier des innovations à destination d’un marché qui les sélectionnera en fonction de leurs potentiels de croissance ou de profit. Il s’agit plutôt de réorienter les priorités des technosciences dans le sens de préserver l’avenir de la biosphère et de l’humanité. Les choix et priorités éthiques sont naturellement dans une dynamique constante, liée en particulier aux évolutions des technosciences. Plutôt que de réagir a posteriori, et avec difficulté, nous devons nous efforcer de concevoir et évaluer nos développements technologiques conjointement à l’évolution de nos choix en fonction de nos valeurs fondamentales.

Cela nécessite, nous en sommes convaincu.e.s, de former et de responsabiliser très largement autour de nous, car chacun porte, dans ses choix et ses actes les plus modestes, une responsabilité sociale face aux défis des technosciences. Les efforts d’éducation et d’information sont d’autant plus essentiels qu’ils font face à des moyens considérables de persuasion, voire d’endoctrinement, sur des valeurs de consommation, d’individualisme et de tendances qu’il conviendrait de suivre. Il s’agit de développer une réelle formation citoyenne visant à rendre chacun capable de mettre en oeuvre une pensée critique nécessaire à l’expression des choix démocratiques. Le citoyen et la citoyenne, éduqués et bien informés, doivent pouvoir être acteur et actrice du déploiement des technosciences. Ceci afin d’être en mesure de s’assurer de la dissémination raisonnée des innovations, et influer sur leur usage.

Nous appelons à la mise en place d’une gouvernance des technosciences au niveau national, européen et international, combinant participation citoyenne, exigence éthique et enjeux de développement durable. Nous affirmons l’urgence pour les institutions internationales, et en particulier pour l’Union Européenne, d’agir en faveur d’une évolution du droit relativement à des développements technologiques et des changements qui affectent potentiellement toute l’espèce humaine et la planète. Les régulations que nous réclamons pour faire face aux défis des technosciences ne le sont pas au titre d’un protectionnisme étroit, mais au titre d’une approche de responsabilité humaine globale nécessaire à un développement vertueux et harmonieux des technosciences, au bénéfice de tous. Cette approche éthique doit s’inscrire dans une action qui privilégie la protection du vivant par rapport à la seule utilité marchande de l’innovation.

Nous affirmons que les actions à mettre en place, sur lesquelles nous nous engageons à agir et à mobiliser largement, se doivent d’être locales autant que globales : i) actions locales à l’échelle de chacun et chacune, de son comportement et mode de vie, de ses choix et engagements dans son milieu professionnel, associatif, relationnel et familial ; et ii) actions globales à l’échelle des nécessaires changements internationaux défendus dans cet Appel. On ne saurait, en effet, faire face aux risques de dynamiques mondiales, puissantes et intégratives sur un large spectre technologique et géographique, que par des initiatives ponctuelles et purement locales.

Nous reconnaissons que cet Appel rejoint et prolonge de nombreuses déclarations internationales, démontrant ainsi la prise de conscience croissante relative aux préoccupations évoquées ici, et renforçant notre optimisme sur la convergence effective des forces de bonne volonté pour relever ensemble les défis des technosciences au service de l’humanité.

Pour soutenir cette démarche et signer l’Appel, allez sur www.grep-mp.com/appel

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